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La fin de l'exploitation minérale ?

Imani - 19 février 2043

L’ambiance est tendue. Le sujet du jour est complexe et surtout, malgré tous les progrès que l’on a pu faire jusqu’à maintenant, passer cette étape est une sorte de point de non-retour. Et ces moments sont toujours des moments difficiles dans l’histoire d’une société. Après nous être attaqué à notre dépendance énergétique, cause principale du réchauffement climatique. Il est temps de passer à l’échelle supérieure. Après l’énergie carbonée, le deuxième enjeu de la crise climatique était dans la gestion des matériaux. Nos sociétés se sont construites sur l’exploitation de ressources bien spécifiques : les minerais et en particulier les métaux. Âge du bronze, âge du fer, prédominance de l’or et l’argent comme représentation de la richesse puis avec l’ère moderne l’acier, le silicium et des dizaines d’autres métaux dits rares qui composent le socle de nos technologies électroniques. Et c’est sans parler de tous les autres minerais qui composent notre monde comme dans le béton, le plâtre, les peintures et même dans la grande majorité des produits cosmétiques.

Bien sûr, nous n’avons pas attendu jusqu’à maintenant pour prendre en main le problème. Nous savions déjà qu’il y avait des difficultés majeures de ce côté et puis la crise climatique nous a obligé à revoir une grande partie de nos usages. Le traitement des minerais étant un des plus gros consommateurs d’énergie et pollueurs. Nous avons donc commencé à réduire notre consommation de ces produits, limité leurs usages au maximum et mis en place des structures de recyclages plus efficaces. Nous avons fait d’énormes progrès en la matière et nous pouvons collectivement en être fier. Pourtant nous malgré tous nos efforts, nous sommes toujours obligés d’importer massivement des minerais depuis l’étranger pour continuer à satisfaire une large partie des besoins de la population.

Ainsi, toute la journée d’hier, des experts et des scientifiques nous ont présenté les tenants et aboutissants de la filière minérale et je dois avouer que les constats sont loin d’être rassurants. En effet, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les minerais que l’on mine ne sont en rien l’image que l’on peut s’en faire. En tout cas pour moi.

Je croyais que le minerai était disponible sous forme de grosses pépites coincée dans de la roche classique. Or c’est tout le contraire. La plupart du temps ce ne sont que quelques grammes, voire quelques milligrammes qui sont disponibles et ceux la plupart du temps sous forme de poudres fines mélangées à pleins d’autres minerais. En plus de ça, la concentration des minerais dans la roche à fortement décru depuis des années au point que c’est de plus en plus énergivore de réussir à l’extraire. Et ce n’est que le début.

Pour trouver plus de matériaux, il faut creuser toujours plus profond ou parfois même plus largement puis une fois récolté il faut les traiter chimiquement pour séparer les différents éléments afin dans l’espoir d’obtenir des poudres suffisamment pure. Des litres d’eau sont gaspillés et des montagnes, littéralement des montagnes, de déchets sont produits. Et ce n’est que quand ils sont suffisamment solides pour qu’on puisse les gérer. Dans la majorité des cas, ce sont plutôt des milliers de litres de boue qui sont stockés dans des bassins de rétention qui ressemblent plus à des barrages hydrauliques qu’à des piscines. On en entend rarement parler mais il y a régulièrement des incidents mortels provoqués par des fuites dans ces derniers. C’est sans dire que cette exploitation est une catastrophe pour l’environnement et les populations.

Et bien sûr il y a les questions économiques et géopolitiques qui s’ajoutent à cela. Malgré tous les efforts de la communauté internationale, nous n’avons jamais vraiment réussi à réglementer la filière. Nous n’avons pas de mines en France, en tout cas pas de suffisamment intéressantes, et surtout, nous n’avons pas la possibilité, ni l’intention de les exploiter pour toutes les raisons évoquées juste avant. Avec la raréfaction des productions et l’explosion des coûts, les prix se sont envolés.

De toute façon, même sans tout ça, les capacités de productions n’auraient jamais suffi à fournir suffisamment pour supporter les besoins de l’humanité même avec les gros efforts de sobriété que nous avons mis en place de certains pays. Par exemple, il fut un temps, où on pensait pouvoir fournir une voiture électrique à l’ensemble de la population mondiale, malheureusement la quantité de lithium pour concevoir les batteries n’aurait même pas suffit à combler l’ensemble de la demande.

C’est avec tout ça en tête que le conseil doit voter pour l’arrêt quasi-total de l’exploitation minérale. Je regarde mes onze co-citoyens, leur visage est aussi fermé que le mien. Nous avons été tirés au sort pour un mandat d’un an pour gérer ces questions épineuses et penser des méthodes pour les résoudre avant de les soumettre au vote de la population. Quand la 6ème République a révoqué la fonction présidentielle pour la remplacer par un conseil citoyen, on s’est dit que c’était de la folie. Comment des gens lambdas pouvaient bien prendre des décisions pour l’ensemble de la population alors que nous ne connaissions rien pour la plupart à la politique ou des enjeux pareils. Moi-même, je ne suis qu’une simple horticultrice. Mon quotidien c’est m’occuper de mes cultures.

Mais heureusement, la méthode est maintenant bien rodée. Quelques mois avant la fin du mandat du conseil ont lieu les tirages au sort. Nous, les personnes sélectionnées recevons alors une éducation populaire sur les sujets économiques, sociaux et politiques. On nous met à niveau sur les enjeux actuels pour que nous soyons prêts à prendre le relais le moment venu. En réalité, la plupart d’entre-nous à déjà une petite connaissance de base de ces questions, les universités populaires ayant fleuries un peu partout sur le territoire mais la responsabilité est si grande que nous ne sommes jamais trop préparés. Et puis nous ne sommes pas seuls, nous avons, pour nous épauler, les cabinets ministériels qui sont maintenant des chambres d’experts chargées de mettre en place les plans d’échelles nationaux et internationaux prévus par les conseils citoyens. Je pense qu’aujourd’hui, aucun de nous ne souhaiterait revenir à l’ancien mode de gouvernance.

Maintenant, chacun à notre tour, nous allons présenter notre décision sur la question avant de commencer à travailler au plan d’action concret. Les plans d’actions et les lois doivent recevoir une adhésion de 80% par les membres du conseil pour être présentés au public et selon les enjeux, des niveaux d’acceptations différents sont décidés. Dans le sujet qui nous intéresse, vu ses impacts sur l’ensemble de la société, nous devons obtenir 70% de votes positifs. Bien sûr, une grande campagne de sensibilisation sera mise en place en amont pour aider la population à prendre pleinement conscience des enjeux et des impacts qui sont en jeu. En tout cas, pour ma part, le choix est fait.